vendredi 26 février 2016

LES RELIGIONS

  Jésus dans le Coran
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Introduction

            Notre intérêt pour le sujet date de la période où, missionnaire en Côte d'Ivoire, nous côtoyions journellement des Musulmans. Leur nombre ne cessait d'augmenter, comme dans toute l'Afrique, et ils représentaient déjà vers 1960 20% de la population ivoirienne. Plus tard, en poste dans une Eglise locale de France, de jeunes Musulmans nous ont contactés et se sont tournés vers le Seigneur. Il nous a paru bon alors de donner à toute l'Eglise l'étude qui suit. Elle garde aujourd'hui toute son actualité et  nous apparaît encore très utile puisqu'on n'ouvre pas un journal sans que l'islam y occupe une large place. Mais elle nous permet aussi de montrer à nos amis musulmans que connaître leur religion nous intéresse.

            Nous ferons parfois de longues citations du Coran et ainsi essaierons de pénétrer dans son univers. Nous présenterons cette réflexion en 4 chapitres et présenterons d'abord, Jésus, comme fils de Marie, puis, Jésus, comme prophète; ensuite, Jésus, comme Messie; et enfin, Jésus, comme Parole de Dieu.

            Toutes les citations du Coran sont tirées de son édition dans la Bibliothèque de la Pléiade, NRF, traduction par D. Masson, l967, édition qui comprend  de nombreuses notes et une bibliographie très utiles.



            Chapitre I : JÉSUS, FILS DE MARIE

Voici un extrait de la sourate du Coran qui porte le titre de Mani :
            "Mentionne Marie dans le livre. Elle quitta sa famille et se retira en un lieu vers l'Orient. Elle plaça un voile entre elle et les siens. Nous lui avons envoyé notre Esprit : il se présenta devant elle sous la forme d'un homme parfait. Elle dit : "Je cherche une protection contre toi, auprès du Miséricordieux, si toutefois tu crains Allah !" Il dit : "Je ne suis que l'envoyé de ton Seigneur pour te donner un garçon pur." Elle dit :"Comment aurais-je un garçon ? Aucun mortel ne m'a jamais touchée et je ne suis pas une prostituée." Il dit : "Ton Seigneur a dit : "Cela m'est facile. Nous ferons de lui un Signe pour les hommes; une miséricorde venue de nous. Le décret est irrévocable."
            Elle devint enceinte de l'enfant puis elle se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent auprès du tronc du palmier. Elle dit : "Malheur à moi ! Que ne suis-je déjà morte, totalement oubliée !" L'enfant qui se trouvait à ses pieds l'appela : "Ne t'attriste pas. ! Ton Seigneur a fait jaillir un ruisseau à tes pieds. Secoue vers toi le tronc du palmier; il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange, bois et cesse de pleurer. Lorsque tu verras quelque mortel, dis : "J'ai voué un jeûne au Miséricordieux; je ne parlerai à personne aujourd'hui." Elle se rendit auprès des siens, en portant l'enfant. Ils dirent : "Ô Marie ! Tu as fait quelque chose de monstrueux ! Ô sœur d'Aaron ! Ton père n'était pas un homme mauvais et ta mère n'était pas une prostituée." Elle fit un signe au nouveau-né et ils dirent alors : "Comment parlerions-nous à un petit enfant  au berceau ?"
            Celui-ci dit : "Je suis, en vérité, le serviteur de Allah, il m'a donné le Livre, il a fait de moi un Prophète; il m'a béni, où que je sois. Il m'a commandé la prière et l'aumône - tant que je vivrai - et la bonté envers ma mère. Il ne m'a fait ni violent, ni malheureux. Que la paix soit sur moi, le jour où je naquis; le jour où je mourrai; le jour où je serai ressuscité." Celui-ci est Jésus, fils de Marie, Parole de Vérité dont ils doutent encore. Il ne convient pas que Allah se donne un fils: Gloire à lui ! Lorsqu'il a décrété une chose, il lui dit : "Sois !" Et elle est." (XIX. 16 à 36)

            Ce texte parle de ce que nous appelons l'Annonciation qui est faite par un "mortel accompli (un homme parfait)", c'est-à-dire un ange. Il enseigne donc la conception et la naissance virginale de Jésus. Mais il va plus loin, puisque Marie y a une place à part. Les anges disent en effet "Ô Marie, Dieu t'a choisie et purifiée. Il t'a choisi de préférence à toutes les femmes de l'univers" (III. 42). Elle est la fille d'Imran, peut-être confusion avec Marie, sœur de Moïse et fille d'Amram (XIX. 28, cf. Nombres 26. 59). Elle a été consacrée à Dieu dès sa naissance et confiée à Zacharie dans le Temple où Dieu la nourrissait miraculeusement.

            Vous avez retenu que la naissance de Jésus a eu lieu au pied d'un palmier et sans témoin, réminiscence sans doute du récit de la Genèse (chap. 16) où l'on voit Agar et son fils Ismaël chassés de chez Abraham.

            L'enfant parle dès sa naissance et annonce à sa mère que Dieu a fait jaillir une source et que des fruits sont à sa portée. Ce détail se trouvait déjà dans les évangiles apocryphes, de même que les miracles accomplis par Jésus enfant. Voici ce que dit le Coran :
            "Les anges dirent : "Ò Marie ! Allah t'annonce la bonne nouvelle d'un Verbe émanant de lui : son nom est le Messie, Jésus, fils de Marie; il est au nombre de ceux qui sont proches [de Allah]. Dès le berceau, il parlera aux hommes comme un vieillard; il sera au nombre des justes." Elle dit : "Mon Seigneur ! Comment aurais-je un fils ? Nul homme ne m'a jamais touchée. Il dit : "Allah crée ainsi ce qu'il veut : lorsqu'il a décrété une chose, il lui dit "Sois !" Et elle est."
            Dieu lui enseignera le Livre, la Sagesse, la Tora et l'Evangile; et le voilà prophète, envoyé aux fils d'Israël : "Je suis venu à vous avec un signe de votre Seigneur; je vais, pour vous, créer d'argile, comme une forme d''oiseau', - avec la permission de Allah - je guéris l'aveugle et le lépreux; je ressuscite les morts - avec la permission de Allah - je vous dis ce que vous mangez et ce que vous cachez dans vos demeures. Il y a vraiment là un signe pour vous, si vous êtes croyants.
            Me voici, confirmant ce qui existait avant moi de la Tora et déclarant licite pour vous, une partie de ce qui vous était interdit. Je suis venu à vous avec un signe de votre Seigneur : -craignez-le et obéissez-moi - Allah est, en vérité, mon Seigneur et votre Seigneur : Servez-le : c'est là le chemin droit."
            Jésus dit, après avoir constaté leur incrédulité : "Qui sont mes auxiliaires dans la voie de Allah ?" Les apôtres dirent : "Nous sommes les auxiliaires de Allah; nous croyons en Allah; sois témoin de notre soumission. Notre Seigneur ! Nous avons cru à ce que tu nous as révélé; nous avons suivi le Prophète; inscris-nous parmi les témoins" (III.45 à 53).

            Nous reparlerons des autres miracles de Jésus tout à l'heure, mais dès maintenant nous remarquons que les textes lus nous montre Jésus comme un parfait musulman avant la lettre : il est le serviteur de Allah. Il pratique la prière et l'aumône. Il est bon envers sa mère.

            Si Jésus est le fils de Marie, il n'est pas le Fils de Dieu. Vous l'avez remarqué : "Il ne convient pas que Allah se donne un fils" (XIX. 35). Ailleurs nous lisons : "Ô gens du Livre ! Ne dépassez pas la mesure de votre religion. Ne dites sur Allah que la vérité... Allah est unique ! Gloire à Lui ! Comment aurait-il un fils ?" (IV. 171).

            Et le Coran précise pourquoi : "Ils ont imaginé, dans leur ignorance, que Allah a des fils et des filles. Gloire à Lui, Il est très élevé au-dessus de ce qu'ils imaginent ! Créateur des cieux et de la terre, comment aurait-il un enfant, alors qu'il n'a pas de compagne ?" (VI. 100 à 101).
            Un commentateur musulman écrit au sujet de ce passage : "Il n'a pas d'épouse pour que l'enfant arrive à la suite de leur union; et le mot enfant (Waled) n'a pas de sens en dehors de ces circonstances." La paternité de Dieu a donc un sens terriblement anatomique.

            Cette enseignement du Coran sur l'impossibilité pour Dieu d'avoir un fils est résumé d'une manière lapidaire dans une sourate très courte intitulée "le culte pur" :
            "Dis : "Allah est Un ! Dieu ! L'Impénétrable ! - c'est-à-dire absolument compact, sans faille, sans creux - Il n'engendra pas, il n'est pas engendré. Nul n'est égal à Lui !" (CXII. 1 à 4).
            Et Jésus lui-même aurait eu ces paroles "Ô fils d'Israël ! Adorez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur ! Allah interdit le paradis à quiconque lui attribue des associés. Sa demeure sera le feu. Il n'existe pas de défenseurs pour les injustes." "Oui, ajoute le prophète, impies sont ceux qui disent : "Allah est, en vérité, le troisième de trois" (V. 72 à 73 - comprendre une divinité parmi trois divinités - Et un peu plus loin, nous lisons :
            "Allah dit : "Ò Jésus, fils de Marie ! Est-ce toi qui a dit aux hommes : "Prenez, moi et ma mère, pour deux divinités, au-dessous de Allah ?" Jésus dit : "Gloire à toi ! Il ne m'appartient pas de déclarer ce que je n'ai pas le droit de dire. Tu l'aurais su, si tu l'avais dit. Tu sais ce qui est en moi, et je ne sais ce qui est en toi. Toi, en vérité, tu connais parfaitement les mystères incommunicables. Je ne leur ai dit que ce que tu m'as ordonné de dire : "Adorez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur !" J'ai été contre eux un témoin, aussi longtemps que je suis resté avec eux, et quand tu m'as rappelé auprès de toi, c'est toi qui les observait, car tu es témoin de toutes choses" (V. 116 à 117).

            Au premier abord, on croirait que le Coran accuse les chrétiens en ce qui concerne la doctrine de la trinité. Mais, en réalité, ce qu'il condamne est un tri-théisme, doctrine qui n'a jamais été professée par le christianisme biblique. Dans le second texte lu, c'est même la triade Allah, Jésus, Marie qui est en cause. En effet, le Saint-Esprit n'est jamais une personne pour le Coran.

            En ce qui concerne Jésus, il est toujours mis au nombre des créatures. Il est semblable à Adam créé lui aussi par l'Esprit de Dieu. A propos de lui aussi Allah a dit "Sois" et il fut. C'est pourquoi le musulman ne doute pas que Jésus est une créature.

            Pour conclure ce chapitre, essayons de discerner les conséquences de ce refus de voir en Jésus le Fils de Dieu : comme Dieu n'a ni fils ni filles, il se présente comme une divinité transcendante qui n'a aucun contact, je dirais même aucune communion avec sa créature. Il se présente comme l'UN, l'IMMUABLE; l'INACCESSIBLE, celui qui n'a pas de creux. Même s'il est fait mention dans le Coran de l'amour réciproque de Dieu et de l'homme, cela n''implique pas une union et une participation à la vie divine, comme dans le christianisme. Il s'agit d'un "état juridique qui rend l'esclave capable d'entrer en relations contractuelles avec son maître", tout en demeurant esclave. Ce que Allah demande, c'est une remise de tout l'être, livré à Dieu en un acte d'abandon "qui n'interroge pas."



            Chapitre II : JÉSUS, PROPHÈTE

            Nous l'avons lu, Jésus a reçu le titre de prophète de la part de Allah (XIX. 30). Ailleurs, il est question de la Sagesse et de la Prophétie qui lui sont données (III.79). Et Jésus se trouve nommé dans une liste de prophètes où Muhammad  a une place à part et où il est écrit que Allah a fait une alliance solennelle, un pacte (mîtaq) avec eux seuls :
"Lorsque nous avons conclu l'alliance avec les prophètes - et avec toi - avec Noé, Abraham, Moïse et Jésus, fils de Marie, nous avons conclu une alliance solennelle" (XXXIII. 7).

           Jésus partage donc cet honneur avec beaucoup d'hommes remarquables, mais surtout avec Muhammad lui-même. Une certain nombre d'autres prophètes sont mentionnés, parmi lesquels on voit apparaître curieusement Ismaël et des noms extrabibliques. Mais chaque fois, le prophète est issu du peuple même auquel il s'adresse. C'est ainsi que Jésus reçoit aussi le titre d'envoyé de Dieu, mais, par le contexte, on découvre qu'il est l'envoyé de Allah aux Israélites, comme Muhammad l'est aux Arabes.

           Pour le Coran, la naissance de Jésus est donc remarquable et, avec Adam, il est le seul qui ait été créé directement par Allah, avec de l'esprit de Allah (XXXVIII. 72). Non seulement il a accompli des miracle dès le berceau, comme nous l'avons vu, mais voici un autre texte où ses miracles sont décrits :
            "Allah dit : " Ô Jésus, fils de Marie ! Rappelle-toi mes bienfaits à ton égard et à l'égard de ta mère. Je t'ai fortifié par l'Esprit de sainteté, dès le berceau tu parlais aux hommes comme un vieillard." Je t'ai enseigné le Livre, la Sagesse, la Tora et l'Evangile. Tu crées, de terre, une forme d'oiseau - avec ma permission - Tu souffles en elle et elle est : oiseau - avec ma permission - Tu guéris le muet et le lépreux - avec ma permission - Tu ressuscites les morts - avec ma permission -
            J'ai éloigné de toi les fils d'Israël, quand tu es venu à eux avec des preuves irréfutables, ceux d'entre eux qui étaient incrédules dirent "Ce n'est évidemment que de la magie !"  J'ai révélé aux Apôtres : "Croyez en moi et en mon prophète." Ils dirent : "Nous croyons ! Atteste que nous sommes soumis." Les Apôtres dirent : "Ô Jésus, fils de Marie ! Ton Seigneur peut-il du ciel faire descendre sur nous une table servie ?" Il dit : "Craignez Allah, si vous êtes croyants !" Ils dirent : "Nous voulons en manger et que nos cœurs soient rassurés; nous voulons être sûrs que tu nous as dit la vérité, et nous trouver parmi les témoins." Jésus, fils de Marie, dit : "Ô Allah, notre Seigneur ! Du ciel, fais descendre sur nous une table servie ! Ce sera pour nous une fête - pour le premier et pour le dernier d'entre nous - et un Signe venu de toi. Pourvois-nous des choses nécessaires à la vie; tu es le meilleur dispensateur de tous les biens." (V. 110 à 114)

           Le miracle de la table servie, où certains ont voulu voir une réminiscence de la cène, de même que la voyance à travers les murs des maisons, sont, est-il besoin de le dire, inconnus de la Bible. On notera que Jésus fait tout avec la permission de Allah et qu'il indique les miracles comme "signe" du Seigneur, preuve indubitable qu'il parle en son nom !

           Il y a trois grands prophètes-législateurs : Moïse qui, de par Allah, a promulgué la Torah, Jésus qui a promulgué l'Evangile et Muhammad qui a promulgué le Coran, récapitulation et sceau de toute prophétie. Ainsi s'exprime le Coran :
            "Nous avions envoyé Noé et Abraham et nous avions établi, chez leurs descendants, la prophétie et le Livre. Certains d'ente eux furent bien dirigés, mais la plupart furent pervers. Nous avons ensuite envoyé sur leurs traces nos autres prophètes et nous avons envoyé après eux Jésus. fils de Marie. Nous lui avons donné l'Evangile" (LVII. 26 à 27).

           Les Ecritures données à Jésus authentifient sa mission. Elles ne sont certes pas ni les quatre Evangiles, ni la bonne nouvelle de Jésus, ni le Nouveau Testament. Jésus a confirmé ce qui avait été donné avant lui, la Torah, et Muhammad qui vient après lui confirmera ce qu'il a dit et écrit, le Coran demeurant le point final de la révélation et le Livre véridique, le critère de la vérité. Par conséquent, tout ce qui, dans le Nouveau Testament, contredit le Coran est une falsification de l'Evangile révélé au fils de Marie.

           Le message de Jésus est absolument conforme au message de l'islam. S'il dit de lui obéir "Craignez le Seigneur et obéissez-moi" (III. 50). Ce n'est que dans la mesure où l'on n'oublie pas l'essentiel de la révélation : ne pas mettre à côté de Allah d'autres divinités, rester dans la soumission et surtout suivre le Prophète par excellence, Muhammad.

           D'ailleurs, Jésus aurait prédit la venue de Muhammad; il serait ainsi un précurseur du prophète de l'islam. Témoin ce texte : "Jésus, fils de Marie, dit : Ô fils d'Israël ! Je suis, en vérité, le prophète de Dieu envoyé vers vous pour confirmer ce qui, de la Torah, existait avant moi, pour vous annoncer la bonne nouvelle d'un Prophète qui viendra après moi et dont le nom sera AHMAD" (LXI. 6).

           L'islam reconnaît en Muhammad ou Mahomet AHMAD qui signifie le très glorieux, le renommé, l'illustre. Plusieurs auteurs musulmans ont établi un rapprochement entre le texte ci-dessus et celui de Jean 14. l6-17 où Jésus dit : "Je prierai le Père et il vous donnera un autre Consolateur (en grec parakletos)... l'Esprit de vérité." On a donc supposé que dans une version arabe de l'Evangile, le mot parakletos, si difficile à traduire, aurait été transcrit selon l'usage sémitique avec les seules consonnes PRKLTS et lu periklutos qui, en grec, signifie illustre, et dont le sens est en effet voisin de l'arabe AHMAD.

           Jésus, fils de Marie, occupe donc une place de choix parmi tous les prophètes par sa naissance, par sa mission, par une assistance particulière de Allah, par ses miracles,, par certains titres qui lui sont donnés comme Messie et Parole de Dieu, par certains traits qui n'appartiennent qu'à lui, comme son retour par exemple (dont nous reparlerons tout à l'heure).

           Mais il ne faudrait pas conclure trop vite qu'il est supérieur à Muhammad, ou même qu'il est à son niveau. Muhammad est LE prophète de Dieu, "le sceau des prophètes" (XXXIII. 40), c'est-à-dire l'ultime, le seul valable. C'est. en effet. sur lui qu'est "descendue" la révélation et, par l'intermédiaire de l'Ange de la révélation, tout lui a été redit.

           De nombreux passages coraniques mettent en relief les qualités transcendantes attachées à la personne du Prophète. Elles lui donnent un "aspect supra-humain." On sait combien le terme Huda Allah (la bonne direction divine) est précis dans le Coran. Dieu seul est Hâdî, c'est-à-dire Indicateur, Guide suprême. Il manifeste par sa Parole éternelle la voie droite qui nous conduit à Lui et par Lui. Un passage célèbre du Coran investit le Prophète de cette fonction proprement divine : "En vérité, toi, Prophète, tu diriges sûrement vers la Voie droite, vers la Voie de Allah qui est le détenteur (des biens) des cieux et de la terre. Ah ! Certes ! Toutes choses convergent vers Allah !"  (XLII.. 52 à 53).

           Pour compléter cela, voici la réflexion d'un chrétien qui a écrit une petite brochure intitulée : L'Islam, problème missionnaire : "Mahomet fut toujours élevé par ses disciples à la position d'un demi-dieu et comparé à la personne du Christ. Mahomet devient le logos, le paraclète, la lumière créée avant toute créature. On parle de son ascension. Il devient l'avocat qui plaidera au tribunal divin le jour du jugement... l'intermédiaire entre Dieu et l'humanité."



           Chapitre III :  JÉSUS, MESSIE

           Le nom Messie signifie celui qui a reçu l'onction, celui qui est consacré. On le trouve onze fois dans le Coran et il est toujours appliqué à Jésus. Mais tout de suite , il faut nous défaire de l'idée que ce mot, l'équivalent de Christ, évoque dans nos esprits de chrétiens. "Le Messie, fils de Marie, n'est qu'un prophète; les prophètes ont passé avant lui. Sa mère était parfaitement juste; tous deux se nourrissaient de mets" (V. 75).

           Il n'est ni plus qu'un autre prophète, ni même plus qu'un autre mortel qui prend sa nourriture. Nous avions déjà remarqué cela dans un autre chapitre. Mais les textes de l'islam sont tout à fait explicites : "Les Chrétiens ont dit : "Le Messie est fils de Allah". Telle est la parole qui sort de leur bouche. Ils répètent ce que les incrédules disaient avant eux. Que Allah les tue ! Ils sont tellement stupides" (IX. 30). Dans un texte précédemment cité, nous avions vu que Allah interdisait le Paradis à ceux qui lui donnent des associés. Il leur promettait le feu.

           A propos de Messie, deux remarques : premièrement, ce titre est appliqué à Jésus dans le Coran, presque comme explication de son nom, mais cela, sans tout le poids de la signification renfermée dans l'annonce de sa venue par les prophètes avant lui. Les paroles du Coran n'ont pas d'histoire. Elles sont simplement juxtaposées les unes aux autres sans profondeur, sans recul. On n'y trouve pas de déroulement historique. Si bien que le titre de Messie apparait pour ainsi dire "intemporel". Il n'est pas non plus lié au retour de Jésus dont nous reparlerons tout à l''heure.

           Le deuxième remarque, c'est que les commentateurs musulmans sont très embarrassés pour éclaircir les passages où se titre se rencontre, et leurs explications sont aussi nombreuses que divergentes.

           Quant à nous, chrétiens, ce titre évoque les souffrances et la mort de Jésus. Or à cet endroit, le Coran est muet. C'est la grande lacune. Pour nous la mort de Jésus est inhérente à son humanité. Pour le musulman, la mort de Jésus est escamotée délibérément. Voici le texte capital sur ce sujet :
            "Nous les avons punis parce qu'ils n'ont pas cru, parce qu'ils ont proféré une horrible calomnie contre Marie et parce qu'ils ont dit : "Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie, le prophète de Dieu." Mais ils ne l'ont pas tué; ils ne l'ont pas crucifié. Cela leur est seulement apparu ainsi. Ceux qui sont en désaccord à son sujet restent dans le doute; ils n'en n'ont pas une connaissance certaine; ils ne suivent qu'une conjecture; ils ne l'ont certainement pas tué, mais Dieu l'a élevé vers lui. Dieu est puissant et juste" (IV. 156 à 158).

           Ce texte est clair : Jésus n'a pas été tué. En fait, Allah l'a élevé auprès de lui. Mais le Coran n'explique pas ce qui s'est passé. Il ne dit rien sur ce semblant de mort ou de crucifixion. Les commentateurs musulmans ont donné des explications pour justifier le texte coranique : pour les plus orthodoxes d'entre eux, c'est un sosie qui a pris la place de Jésus. Il y a eu substitution de victime, alors que Jésus était élevé auprès d'Allah.

           Pour d'autres, le Coran parle de ceux qui sont tués dans le chemin de Allah, c'est-à-dire qui perdent la vie dans les combats de la guerre sainte. "Ne dites pas de [ceux-là] : "Ils sont morts." Non point ! Ils sont vivants, mais vous ne le pressentez pas..." (II. 54). "Ils sont vivants auprès de leur Seigneur" (III. 169). Selon cette explication, Jésus serait donc en quelque sorte mort dans le chemin de Allah puisqu'il a combattu dans ce chemin par son obéissance.

           Pour la secte indienne des Ahmadiyya, Jésus n'aurait fait que perdre connaissance. L'ayant descendu de la croix, on lui aurait appliqué un onguent approprié pour le réanimer. Il aurait émigré au Cachemire où il meurt à l'âge de 120 ans à Srinagar. C'est là qu'on prétend avoir trouvé son tombeau.

           Dans les Evangiles, Jésus parle lui-même de sa mort et de sa résurrection. Mais dans le Coran Allah parle de Jésus à Jean-Baptiste et lui dit : "Que la Paix soit sur lui : le jour où il naquit; le jour où il mourra; le jour où il sera ressuscité !" (XIX. 15) Cependant, la mort dont il parle est la mort naturelle par laquelle tous les humains doivent passer. De même aussi, je comprends que la résurrection mentionnée est la résurrection générale que le Coran annonce pour la fin du monde.

           La tradition ultérieure dira qu'à la fin des temps, lorsque Jésus reviendra, il se mariera avec une femme arabe dont il aura des enfants. Puis il mourra et sera enterré jusqu'à la résurrection de tous.

           Mais en attendant, Jésus a joui d'un assez rare privilège, celui d'avoir été élevé auprès de Allah, semblablement à Hénoc, le personnage de la Genèse. Le Coran est absolument muet quant à la résurrection dont parle le Nouveau Testament.

           En résumé, pour le Coran, nous avons les événements dans cet ordre : Mort apparente de Jésus - son élévation - sa parousie - sa mort naturelle - la résurrection générale. En fait Jésus sera, par son retour, comme un signal avant le jugement dernier, "l'annonce de l'Heure" (XLIII. 61) c'est-à-dire du jugement. Cependant ce n'est pas lui qui fera le jugement, car celui-ci n'appartient qu'à Allah seul.

           Essayons, avant d'aborder le chapitre suivant, de saisir les conséquences désastreuses que cette lacune sur la mort de Jésus provoque dans la religion musulmane. S'il n'y pas de mort, il n'y pas non plus de rédemption. L'homme n'intercède pas pour demander pardon. Il n'est pas sauvé de ses péchés. Si Allah décide d'effacer certains péchés, ce n'est qu'un acte purement arbitraire de sa part. Sa miséricorde n'est pas inhérente à sa nature, mais elle dépend de ses caprices et sa justice est tout à fait gratuite. Il peut, à l'instar d'un sultan qui a des esclaves, ou leur pardonner, ou les punir à son gré.

           Enfin, mais peut-être fallait-il dire cela en premier, le péché est aussi fortement  atténué dans l'islam. Le Coran ignore le péché originel transmis à la race humaine. L'acte mauvais, la "prévarication", c'est surtout l'abandon de la loi divine, la désobéissance. Mais le mal n'atteint pas Dieu et donc il n'y pas besoin de réparation envers lui, pas besoin d'expiation. Le salut est, au gré de Allah, réservé à ceux qui sont soumis, ceux qui obéissent à  ses commandements.



       Chapitre IV : JÉSUS, PAROLE DE DIEU


           Ce titre, comme le précédent, n'est donné dans le Coran qu'à Jésus seul et trois fois seulement. Comme le précédent aussi, il est, de par son origine, lourd de signification. Voici l'un de ces textes :         
"Ô gens du Livre ! ne dépassez pas la mesure dans votre religion. Ne dites, sur Allah, que la vérité. Oui, le Messie, Jésus, fils de Marie, n'est que le prophète de Allah, sa Parole qu'il a jetée en Marie, un Esprit émanant de lui. Croyez donc en Allah et en ses prophètes. Ne dites pas : "Trois"; cessez de le faire; ce sera mieux pour vous. Dieu est unique. Gloire à lui ! Comment aurait-il un fils ?" IV. 171)

           Par cette citation, nous voyons comment ce que le Coran semble donner d'une part, il le retire aussitôt après d'autre part. En affirmant que Jésus n'est que le Prophète, l'Envoyé de Allah, le texte vide de sa substance même ce que nous pensions trouver dans le titre de Parole. La suite de la sourate vient insister de façon lancinante sur l'unicité de Dieu.

           Encore une fois, les commentateurs musulmans sont embarrassés pour expliquer ce terme appliqué à Jésus. L'interprétation la plus ancienne et, selon certains, la plus près de l'esprit du texte, consiste à montrer en Jésus l'accomplissement de la parole créatrice de Dieu prononcée au moment de sa conception. Jésus est "Parole de Dieu" parce que de lui seul il est dit qu'il est venu à l'existence par la parole de Dieu : "Sois !" Explication assez peu satisfaisante à mon avis, tout comme d'autres du même genre.

           Car pour le musulman, en fait, c'est le Coran qui est  Parole de Dieu. Voici ce que dit le théologien cité ci-dessus : "La révélation divine, contenue dans les livres sacrés monothéistes, trouve son achèvement dans le Coran, qui est Parole substantielle incréée, subsistant éternellement en Dieu... la Présence divine elle-même dans son éternité". Et un peu plus loin il ajoute : "Tandis que, selon la perspective chrétienne, le Verbe s'est fait chair dans la personne du Christ, il s'est fait expression dans la descente du Coran... Cette manifestation surnaturelle est comprise comme mode particulier de théophanie et non pas d'incarnation."

           Pour le musulman fidèle, il ne peut être question de donner à Jésus le même titre qu'au Coran. La position de l'Islam se résume ainsi : "Jésus fut créé par le "Sois !" mais il n'est pas le "Sois !".

Conclusion

           Malgré les apparences et en dépit de la parenté ou de l'identité des termes, à aucun
moment il nous est apparu que le Jésus du Coran est Celui que nous présente la Bible. Au contraire, il est très éloigné de la seconde personne de la trinité.

           Pour résumer ces quatre chapitres, nous dirons que Jésus dans le Coran n'a pas plus de divin que n'importe laquelle des créatures de Dieu. Certes, il est né miraculeusement de la vierge Marie, mais cela ne constitue pas un signe de sa divinité, comme nous le présente, par exemple, le prophète Esaïe dans la Bible. Il n'est qu'un être créé. Il ne peut porter le titre de Fils de Dieu, car ce serait une grave faute que de l'associer à Dieu. Sa fonction de prophète ne vaut pas celle de Muhammad. Les titres bibliques que le Coran lui donne ne sont qu'une indication des notions vagues que Muhammad avait du christianisme en Arabie au 7ème siècle. Le Coran ne connaît rien d'autre en Jésus que son humanité.

           Notre étude pourra servir dans la controverse ou l'apologétique comme elle peut être aussi une préparation à des contacts ou à un dialogue. Cependant la tentation pourrait être  grande de penser que l'Islam offre un point de départ à la prédication de l'Evangile, sauf peut-être certains récits de l'Ancien Testament, comme ceux d'Abraham (Ibrahim), de Joseph (Yusuf) ou de Jonas (Yunes). Inutile de chercher à s'appuyer sur ce que le Coran dit de Jésus pour amener quelqu'un à le considérer comme son Sauveur, non. Mieux vaut aimer les personnes comme elles sont, avec leur culture  et leur religion. Mieux vaut témoigner d'abord pour elles de l'amitié et de l'empathie. Et quand l'occasion se présente mieux vaut leur présenter Dieu comme un Père qui nous voit et qui nous entend, comme un Dieu qui nous aime à la folie.


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